En guise de préambule

Expression floue et souvent mal définie et cadrée, la Qualité de Vie au Travail (QVT) est identifiée, dans de nombreux ouvrages, comme d'origine anglo-saxonne, et prend de l'ampleur en France depuis les années 70. Ses contours flirtent avec les conditions de travail. 

Le modèle anglo-saxon soutient que l'intégrité physique et psychique, le développement du dialogue social et l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle participent de la qualité de vie au travail, garantie d'une plus grande motivation et par voie de conséquence de performance. 

La QVT, dénoncée par certains comme axée sur une dimension individuelle là où les conditions de travail sont par essence des problématiques collectives, elle devient incontournable dans le champ de la négociation depuis près d'une décennie et s'inscrit dans les perspectives définies à l'origine par le modèle anglo-saxon, perspectives toutefois étoffées depuis. 

Ainsi, en France, l'accord National Interprofessionnel conclu en 2013, dont la CGT n'est pas signataire, et les travaux qui s'en sont suivis ont, pour point de départ, une définition de la qualité de vie au travail qui serait un sentiment de bien-être au travail perçu collectivement et individuellement englobant l'ambiance, la culture de l'entreprise, l'intérêt du travail etc. « La QVT désigne et regroupe les actions permettant de concilier à la fois l'amélioration des conditions de travail pour les salariés et la performance globale des entreprises ».

Cette approche, mettant en avant le « bien-être », la santé au travail, reste muette sur ce qui les sous-tend : la qualité du travail, les conditions de travail (ergonomie des matériels) et l'organisation du travail (temps de travail, horaires dits atypiques, intensification etc.) et plus plus largement le travail lui-même. 

L'importance que prend la QVT dans le champ des négociations, aux frontières des conditions de travail, empiète de plus en plus sur la thématique des Risques Psycho-Sociaux (RPS), concept dont la définition est tout autant discutable que celle de la QVT en ce qu'il évoque la souffrance au travail sans jamais aborder la question de fond du travail.

L'ouverture de négociations sur la QVT est censée être une réponse aux risques psycho-sociaux (RPS), alors que nous devrions parler de « risques organisationnels ». Ainsi, selon la Haute Autorité de la Santé (HAS) et l''ANACT, la définition est la suivante : « La qualité de vie au travail désigne et regroupe sous un même intitulé les actions qui permettent de concilier à la fois l'amélioration des conditions de travail pour les salariés et la performance globale des établissements de santé médico-sociaux et sociaux».

Elle se traduit par un sentiment individuel et collectif de bien-être au travail qui résulte : 

- Des conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail ; 

- Et de leur capacité à s'exprimer et à agir sur son contenu. 

La qualité de vie au travail est une injonction qui serait, selon les cas, vecteur d'un meilleur engagement, de plus de motivation, ou développerait un dialogue social de qualité. Ces injonctions sociologisantes et psychologisantes sont sans fondement et non démontrées. La qualité de vie au travail est souvent un gadget, qui améliore le «package social» proposé par les entreprises, ou du moins leur en donne l'apparence.

Se joue souvent une négociation sur les périphériques du travail d'un côté et l'amélioration du résultat du travail de l'autre. A travers la synthèse des accords conclus, la qualité de vie au travail recoupe en réalité les conditions d'emploi, les relations au travail, le dialogue social, les évolutions sur le contenu du travail mais très peu l'organisation du travail, dont l'intensification du travail consécutive à la recherche de productivité, où l'extension des horaires atypiques.

De même, une ambiance sympathique ne peut contrebalancer les effets néfastes sur la santé du travail de nuit par exemple. Ou encore, la qualité de vie au travail serait gage de motivation et de performance. Et cela, rien ne le démontre. En effet la performance est aussi fonction de l'organisation, des investissements etc. En ce qui nous concerne, la qualité de vie au travail ne peut faire l'économie d'interroger le travail, sa qualité, les situations de travail, l'organisation du travail, du temps de travail, son rythme ou encore les conditions de travail etc. et ne se concentrer que sur les périphériques du travail.

Ainsi, les négociations ne peuvent faire l'économie, au préalable, de l'analyse du travail, de l'examen des conditions de travail et de l'organisation pour définir, en fonction de l'étude des situations de travail ce sur quoi doit porter la négociation afin d'œuvrer à la qualité de vie au travail. Elles ne peuvent pas non plus, en aval, ne pas définir les modalités de mise en œuvre de l'accord et son suivi. Notre approche prend donc pour point de départ les conditions de travail, n'hésitant pas à mettre en avant les nécessaires évolutions des organisations de travail, sans préjuger sur ce qui fonde ou non la performance, et refusant, dans cette perspective, toute limitation issue de considération financière théorique (rarement démontrée d'ailleurs. Les injonctions d'ordre financier, liées à la stratégie, sont souvent mises en avant par la direction pour ne pas permettre de toucher à l'organisation du travail. Or, les organisations toxiques ne produisent de résultats que sur le court-terme et entraînent, à long terme des effets pervers coûteux mais jamais pris en compte).


Nos revendications

Du fait de la complexité et de l'ampleur que peut revêtir une telle négociation dans nos secteurs, nos revendications sur la QVT peuvent être organisées autour des sujets suivants: 

1. Réintroduire le CHSCT à travers la négociation de moyens en termes de temps, de nombre d'élus mais aussi de budgets disponibles pour travailler. 

2. Un des principaux enjeux chez TCS est le temps de travail sous trois aspects

° Gestion de la charge de travail et droit à la déconnexion :

- Assurer ce droit à travers des mesures comme l'ouverture des accès aux messageries et serveurs à distance uniquement sur certaines plages horaire, week-ends exclus sauf pour les salariés travaillant normalement sur des plages / jours différents des normes sociales. 

- Mettre en place un système d'alerte concernant la gestion de la charge et les modalités de réponse qui s'imposent c'est-à-dire le traitement de l'alerte par le responsable.  Un plan d'action pour régler le problème doit s'imposer. 

- Chaque année, un plan prévisionnel doit être établi définissant un volume d'activités et les emplois associés selon les grandes familles métier dans l'entreprise. Les hypothèses concernant l'absentéisme et les mouvements de personnel pris en compte seront clairement présentés.

- Limitation de l'extension des horaires atypiques comme le travail de nuit (HelpDesk 24/24), le dimanche et de leurs effets : (Pour rappel la CGT TCS France a fait condamner TCS en réparation des heures de travail de nuit non indemnisées ou non compensées à un remboursement effectif plus des pénalités, cela concernait une dizaine de salariés)

                    * Limiter le nombre de dimanches travaillés, 

                   * Limiter le nombre de journées de travail consécutives,

                   * Revoir les amplitudes horaires et le travail de nuit, 

                   * Permettre une alternance entre les situations les plus exposées et les moins exposées aux facteurs de risques professionnels. 

- Organisation du travail : 

             * Limiter la multiplication des salariés au forfait, qui étend la journée de travail ;

             * Développer plus de marges de manœuvre aux salariés pour une gestion plus autonome de leur travail.

L'accord de télétravail très en dessous des fortes attentes des salariés concernant le télétravail chez TCS , se joue aussi la volonté de salariés de ne pas venir travailler et de s'échapper de la pression qu'exerce l'exercice de leurs activités.

3. Il nous faut obtenir que les salariés puissent davantage être associés aux réflexions sur l'aménagement de leur environnement de travail : 
                     - À travers la création d'espaces, groupes de travail, pour analyser les pratiques ou mener un travail collégial sur l'ergonomie des organisations et des matériels. 
                  - Favoriser des organisations de travail qui prévoient des moments d'échanges et d'interaction avec une certaine fréquence.
4. La reconnaissance des salariés à travers la prise en compte de leur analyse sur l'organisation du travail doit aussi s'inscrire dans la construction de parcours professionnels offrant des carrières. De ce point de vue, nous militons pour une révision des grilles de classification en fonction des métiers depuis plusieurs années.

5. La reconnaissance des salariés au travail passe aussi par la rémunération. Et sur ce sujet, les Bureaux d'Etudes sont un secteur plus que sinistré. 
          ° Pas de hausse des minima entre 2017 et 2022, avec des niveaux très bas par rapport au SMIC mais aussi par rapport aux compétences mobilisées. 

            ° Peu d'avantages qui doivent encore être acquis : treizième mois, indemnité retraite confortable, accords intergénérationnels prévoyant le départ progressif des salariés à la retraite en même temps que l'insertion professionnelle des jeunes.

6. Le management est souvent mis en avant concernant son animation. Il est souvent une réponse adressée aux demandes de traitement des différents sujets. Le mode de management est un sujet qui doit être mis en discussion : la recherche de performance et de productivité occupe une place prépondérante, au détriment des conditions de travail.

L'évolution du mode de management, leur évaluation à l'aune d'une gestion équilibrée de la charge de travail, de la limitation des temps atypiques, des journées longues etc. sont autant d'évolution que nous voulons obtenir.

Leur rôle doit également faire l'objet d'une mise au clair : c'est quoi une écoute bienveillante quand c'est aussi la personne qui doit assurer la qualité, la quantité et le délai et, de l'autre côté veiller au bien-être des salariés ?

7. La gestion de l'activité doit aussi interroger le recours à l'intercontrat. Le nombre de salariés en intercontrat et la durée de l'intercontrat doivent être réduits. Cette modalité est prévue dans la branche mais elle doit faire l'objet de limites. 

8. Pour une meilleure connaissance des maladies professionnelles et notamment des burn-outs et bore-outs.


En bref : 

1. Négocier pour réintroduire les prérogatives CHSCT dans les mandats et prévoir les moyens nécessaires. 

2. Sur le temps de travail : 

* Réduction du temps de travail : 32 heures par semaine, 

* Obligation de gestion et de suivi de la charge de travail, 

* Droit à la déconnexion assuré, 

* Limitation des temps et horaires atypiques et du recours au forfait.

3. Création de groupes de travail impliquant les salariés sur l'organisation et l'aménagement du travail avec des moyens dédiés et la procédure permettant aux résultats des travaux d'être pris en compte.

4. Révision des grilles de classification. 

5. Hausse des rémunérations pour prendre en compte les qualifications et compétences mobilisées. 

6. Pour une définition plus claire du rôle du management et l'inscription des problématiques QVT telles que nous les définissons dans la fiche de poste (et s'il le faut, prévoir des actions de formation). 

7. Revoir l'intercontrat, ses modalités de recours et le nombre de salariés pour limiter les effets. Prévoir des budgets de formation accrus pour les salariés. 

8. Négocier une meilleure reconnaissance et prise en charge des maladies professionnelles.


Conclusion 

La négociation de la qualité de vie au travail est un sujet trop souvent traité comme une action de communication ou de marketing de la part du patronat, relayant les thématiques que recouvrent pourtant derrière ce concept les conditions de travail à des questions individuelles. Derrière la qualité de vie au travail, c'est bien du travail dont il s'agit, des conditions de travail, de l'organisation du travail, des aménagements du travail, enjeux sur lesquels la CGT lutte depuis sa constitution, en vue d'améliorer le traitement fait aux salariés.

La tâche est difficile : toutes les négociations sont en général initiées à travers un prisme individuel, mettant en avant le bien-être des salariés et jamais la dimension collective du travail. Ainsi, voit-on se multiplier les initiatives patronales, faisant peser sur les salariés les difficultés que peut poser le travail et occultent sa dimension collective et ce en quoi la solution aux problèmes rencontrés relève de l'entreprise. La différenciation des situations de travail et du traitement fait aux salariés est en cours depuis longtemps et présente de réelles difficultés pour organiser la défense des droits des travailleurs, que le patronat sait parfaitement exploiter.

Dans nos secteurs, la question du temps de travail et de sa délimitation dans ses formes atypiques et dans son amplitude sont au cœur de nos revendications. Négocier un accord à la déconnexion peut être important, mais il ne peut pas s'agir de donner aux salariés des outils pour être responsable de leur propre déconnexion tout en maintenant une activité qui ne leur permettent pas de se déconnecter !

A chaque fois, notre première intervention est de repositionner dès le début des négociations le curseur : le sujet c'est le travail avec les conditions de travail, l'organisation du travail, l'aménagement du travail et de plus en plus le temps de travail. Et cela signifie qu'il peut s'agir de remettre en cause des organisations toxiques néfastes pour les salariés, quitte à revoir le modèle économique. 

Il nous faut systématiquement remettre au cœur du sujet et la question du travail. De ce point de vue, ce n'est pas une petite négociation et elle implique d'avoir des interlocuteurs en capacité de négocier c'est-à-dire d'engager l'entreprise, ce qui n'est malheureusement pas  le cas chez TCS France ou nos intelocuteurs dénommés représentants de la direction n'ont aucun pouvoir de décision.  A quand une dénonciation en justice sur l'absence de négociations loyales au détriment des salariés locaux ! 

Nous y travaillons avec d'autres sujets comme les licenciements éventuellement déguisés jamais remplacés ou compensés par des nouveaux emplois, l'intranet syndical d''entreprise qui permettrait d'informer les salariés en temps réel où la CGT est bien seule à demander à TCS à se conformer à ses obligations, l'indexation automatique  des salaires sur l'inflation plus un pourcentage d'augmentation, un plan de carrière, des promotions transparentes, des vraies formations, le partage de la valeur,  etc...