Derrière le concept à la mode, d'entreprise libérée, les pratiques managériales visent toujours la hausse de la rentabilité de l'entreprise au détriment des salariés

Le concept des entreprises « libérées » est à la mode.

Les salariés (appelés intrapreneurs) ne seraient plus assujettis à la hiérarchie, la parole y serait plus libre et la prise de décisions plus démocratiques. Si les entreprises qui appliquent le concept ne sont pas toutes des dictatures à visage moderniste, les exemples de « toxic management » se multiplient pour reprendre le titre d'un ouvrage récent. Elles illustrent un courant idéologique et des pratiques qui, sans contrôle démocratique, se répandent dans le reste des entreprises … au grand dam des salariés.

Des dérives sectaires 

Ainsi, l'auteur de Toxic management décrit les pratiques en vigueur dans une entreprise : « [...] perversité des nouveaux modes de gouvernement des conduites individuelles pour la société, les personnes et les entreprises. Ceux-ci visent à faire passer pour librement voulu ce qui est contraint. De grandes organisations transforment leurs membres en moines-soldats, les convertissent à de nouvelles croyances et les placent sous emprise. La plupart des entreprises, en particulier, sont tombées aux mains de joueurs de poker, et de poker menteur : l'idéologie encourage la duplicité et la manipulation des esprits via les neurosciences, la financiarisation favorise la tromperie et les traficotages de comptes.»  

Et ce n'est pas tout : « Fascination pour les neurosciences, psychiatrisation des salariés, subjectivité des évaluations, tyrannie de la transparence, flicage des collaborateurs. En toile de fond, se dessine l'utopie d'un salarié augmenté.» «Séances d'autocritique publique, tri des salariés en catégories d'animaux, ultra transparence ». 

Améliorer l'humain ? 

La « performance » n'y est pas garantie par les compétences [encore moins, sans doute, par les qualifications], mais les aptitudes psychologiques, émotionnelles et « spirituelles » de ses « collaborateurs ». Bouquet final qui fait froid dans le dos : « En nous appuyant sur les avancées de la science, nous cherchons à améliorer l'homme », martèle un dirigeant de ce type d'entreprise. 

Une démocratie en trompe l'oeil toujours au service des actionnaires et leurs nervis gracieusement rémunérés

On le savait et on le voit : la «liberté d'entreprendre » peut mener aux pires dérives. Et le pire, c'est que ces entreprises trouvent un écho très favorable dans une certaine presse, avide « d'innovation ». En l'absence de contrôles par les autorités publiques, sans la présence dans les entreprises de véritables syndicats, indépendants du patronat, c'est la loi potentiellement totalitaire des marchés (financiers) qui s'imposerait. Avec des dirigeants toujours plus armés de moyens de surveillance et de manipulations.