Dans l'imaginaire collectif, les informaticiens forment une élite privilégiée. Pourtant, derrière l'écran, le mythe n'est bien souvent qu'une atteinte au droit du travail.

Aujourd'hui le prestige de l'ingénieur est écorné au profit de l'ENA.


Les SCI (sociétés de conseil en informatique) des années 1970 laissent la place aux SSII (sociétés de services en ingénierie informatique) dans les années 1980 et à un recours généralisé à la sous-traitance dans les années 1990. Les conditions de travail de l'informaticien en SSII se dégradent, il voit bien qu'il ne fait pas partie de l'élite comme on le lui a fait croire en école d'ingénieur. Au contraire, il se voit confiné à des basses œuvres techniques sans aucun pouvoir de décision et subit un management méprisant à son égard.


Cela résulte du fait que l'informaticien est placé en régie chez le client. Beaucoup de SSII dont de simples loueurs de main-d'œuvre et non de vrais fournisseurs de services, c'est-à-dire de véritables sociétés d'expertise.

Le prêt de main-d'œuvre est rigoureusement encadré par le droit du travail, et n'est légal que dans le cadre du travail temporaire, sinon il s'agit d'un délit de marchandage. Pourtant, des fortunes se sont faites grâce à cela. De cette exception découle un encadrement particulier, pervertissant l'ordre hiérarchique. Ainsi, les ingénieurs (diplômés bac + 5) sont encadrés par des commerciaux (bac + 2), ce qui condamne la production à dépendre de la force de vente. Une fois le commercial imposé comme le supérieur hiérarchique, la créativité est reléguée au second plan, au profit de la rentabilité. Le savoir n'est plus valorisé.


Avec 2 % de syndicalisation, la mobilisation du secteur reste encore à inventer.


Le Monde Diplomatique, Nicolas Séné

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https://www.monde-diplomatique.fr/2011/05/SENE/20458