Pour la première fois, un juge professionnel est passé outre le plafonnement des indemnités prud'homales pour licenciement abusif, fixé par les ordonnances Macron réformant le Code du travail. Le barème instauré depuis 2017 avait également été écorné par plusieurs conseils prud'homaux.
Les ordonnances Macron ont une nouvelle fois été écornées. Mardi dernier, un juge professionnel de la ville d'Agen s'est affranchi du plafonnement des indemnités pour licenciement abusif, fixé en septembre 2017 par les ordonnances Macron réformant le Code du travail. Ce juge «départiteur», qui s'était vu confier le dossier après que les conseilleurs prud'homaux, composés de deux salariées et deux employeurs, n'ont pas réussi à trancher le litige en juillet dernier, a ainsi décidé de doubler le plafond de l'indemnité de la salariée licenciée. Me Gagne, l'avocate de la salariée concernée, a indiqué à l'AFP que sa cliente «aurait dû percevoir au maximum 2 mois de salaire selon les ordonnances Macron, mais le juge lui a accordé 4 mois de salaire». Selon cette dernière, «c'est la première fois qu'un magistrat professionnel prend ce type de décision».
Entrées en vigueur en début de quinquennat, les ordonnances Macron réformant le Code du travail privent notamment le juge de son libre arbitrage pour déterminer le montant des dommages et intérêts d'un salarié en cas de licenciement abusif. Ces derniers sont ainsi plafonnés entre un et vingts mois de salaire brut, et ce en fonction de l'ancienneté du salarié, excepté dans les cas de discrimination, harcèlement ou atteinte aux libertés fondamentales.
Le juge professionnel s'est ainsi appuyé sur l'article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France, qui stipule que «tous les travailleurs ont droit à une protection en cas de licenciement», pour expliquer que le nouveau barème inscrit dans la réforme du Code du travail ne permettait pas de «rémunération adéquate» pour la plaignante.
Un barème contraire au droit international, selon plusieurs conseils prud'homaux
Ces dernières semaines, plusieurs conseils prud'homaux dans les villes de Troyes, Amiens ou encore Lyon n'avaient pas respecté les barèmes des ordonnances Macron, en condamnant ainsi les employeurs à verser des dommages et intérêts bien supérieurs aux planchers fixés. Contacté par le Figaro, Maître Muller, avocat spécialisé en droit du travail, estime que les juges ont considéré que le barème Macron n'était pas conforme à l'article 10 de l'Organisation internationale du travail (OIT) de 1982, ratifié par la France, qui stipule que si les juges «arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié (...), ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate». Ainsi, malgré les plafonnements, «un salarié pourra tout de même obtenir une indemnité supérieure, puisqu'une convention internationale a dans certaines conditions une valeur supérieure à la loi», précise l'avocat.
Outre la considération de l'ancienneté du salarié, la décision du juge «reste tout de même une question d'interprétation, et nous ne pouvons ainsi difficilement lui donner tort», conclut l'avocat. De son côté, le Syndicat des avocats de France (SAF) ne cache pas ses réticences face au plafonnement des indemnités, estimant en outre que «le salarié est moins bien traité que toute autre victime d'un comportement fautif».