Par La section CGT TCS France le jeudi 22 novembre 2018
Catégorie: Prise de conscience

Le discours de la servitude volontaire d'Étienne de la Boétie est plus que jamais d'actualité !

« Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres »

Déjà en 1548, le jeune Étienne de la Boétie (1530-1563), âgé de seulement 18 ans, exposait le principe de désobéissance civile dans son discours de la servitude volontaire où il s'étonnait que le peuple se soumette volontairement à un tyran par habitude et par lâcheté - et les courtisans par cupidité et désir d'honneurs - alors qu'il lui serait aisé de se débarrasser de ce tyran et de retrouver ainsi sa liberté. Ami de Montaigne, il mourra de la tuberculose à seulement 32 ans, 9 mois et 17 jours. C'est pour lui que Montaigne aura cette phrase célèbre en forme d'éloge à l'amitié « Parce que c'était lui, parce que c'était moi ».


« Mais à la réflexion, c'est un malheur extrême que d'être assujetti à un maître dont on ne peut être assuré de la bonté, et qui a toujours le pouvoir d'être méchant quand il le voudra. » Les peuples ne sont pas gouvernés, ils sont asservis, dépossédés de tout, y compris d'eux-mêmes.


Le jeune la Boétie constate que les hommes n'ont pas la force de désirer leur liberté. Il expose le principe de la désobéissance civile. Pour combattre la tyrannie, il suffit que les peuples refusent de continuer à obéir. Le tyran sera défait de lui-même. « C'est le peuple qui s'asservit et qui se coupe la gorge. » Il constate que les hommes n'ont pas la force de désirer leur liberté. Il propose aussi un portrait développé et très satirique du tyran. Le tyran n'est qu'un homme : la Boétie réfute ainsi le principe de la monarchie de droit divin en vigueur à l'époque (François Ier est roi de France de 1515 à 1547, puis Henri II de 1547 à 1559, puis François II de 1559 à 1560, Charles IX est roi de France de 1560 à 1574, le massacre de la Saint-Barthélemy a lieu sous son règne le 24 août 1572).


Selon la Boétie, l'obéissance aux parents est naturelle, pas celle au tyran. Il réitère l'idée que l'état naturel de l'homme est la liberté et que « la nature, ministre de Dieu », a fait tous les hommes égaux. Il oppose l'affection fraternelle voulue par la nature à la tyrannie qui est contre nature. Il existe trois sortes de tyrans : ceux qui sont élus par le peuple, ceux qui gagnent le pouvoir par les armes et ceux qui l'obtiennent par l'hérédité (cas de la monarchie française). « Ils usent du royaume comme de leur héritage », « ils regardent les peuples qui leur sont soumis comme leurs serfs héréditaires ». Celui qui a été élu tend à rendre son pouvoir héréditaire pour ses fils. Ces trois types de tyrans ont sensiblement tous la même manière de régner et d'asservir.


Le véritable souci réside dans le fait que l'homme est victime d'un profond oubli de sa liberté, la servitude lui fait perdre la mémoire. Quant aux enfants des premiers asservis « ils prennent pour leur état de nature l'état de leur naissance ». S'ajoute à cela la force de l'habitude. La nature pèse peu de poids face à celui de l'habitude.


Opposition entre la nature et la culture

Par la nature, l'état originel de l'homme est la liberté. Par la culture ou encore la civilisation, l'état de l'homme est la servitude. « La nature de l'homme est d'être libre et de vouloir l'être, mais il prend facilement un autre pli lorsque l'éducation le lui donne. » L'homme s'habitue tant à sa servitude qu'elle lui semble naturelle.


Certains échappent à cette perte de mémoire et « ne s'apprivoisent jamais à la sujétion ». Ce sont des individus éclairés, avec une tête « affinée par l'étude et le savoir », « la servitude les dégoûte ». La Boétie évoque ici les humanistes et fait son autoportrait. Ces gens représentent un danger pour le tyran, tout comme leurs livres (se souvenir de la publication posthume du Discours). D'ailleurs le grand Turc se méfie des livres qui donnent « aux hommes le sentiment de leur dignité et la haine de la tyrannie » : on reconnaît là les principes fondateurs de l'Humanisme. Il évoque implicitement la censure.

Il revient alors à l'idée du désir, de la volonté de liberté, affirmant que « le ferme vouloir garantit presque toujours le succès ».

L'habitude et la lâcheté

Après l'habitude, il évoque la seconde cause de la servitude volontaire : la lâcheté. « Sous les tyrans, les gens deviennent aisément lâches et efféminés ».

Il mentionne Hippocrate, grec, « père de la médecine ». Ce dernier a refusé de mettre son art au service d'un tyran. Sous la tyrannie « on perd aussitôt la vaillance », les hommes sont « comme ligotés et tout engourdis », « sont incapables de toute grande action ». Les tyrans en ont conscience et font en sorte de mieux les avachir.

Les courtisans, complices de la tyrannie

Autre stratagème des tyrans : le recours aux favoris (ou autres courtisans), « autant de petits tyranneaux », « les complices de ses cruautés », « les bénéficiaires de ses rapines ». L'idée est que l'entourage du tyran le corrompt et s'appuie à son tour en tyran sur d'autres courtisans pour s'assurer son propre pouvoir. La Boétie évoque ainsi les ramifications du pouvoir qui orchestre cette société pyramidale. Ces favoris sont guidés par leur immense ambition et leur grande avidité.


La Boétie démontre que les courtisans sont finalement moins libres que les peuples. Le peuple doit juste obéir au tyran, le favori doit en plus lui complaire et jouer toute une comédie sociale. Ceci n'est pas vivre. Les favoris ne s'appartiennent plus. Ils viennent « se présenter à lui comme des moutons devant le boucher ». Par ailleurs le tyran est versatile, inconstant, le favori peut aisément tomber en disgrâce.

Les hommes de bien ne sont pas plus à l'abri dans cet entourage mais bien des tyrans furent également tués par leurs favoris. « Certainement le tyran n'aime jamais et n'est jamais aimé ».


« Entre méchants, lorsqu'ils s'assemblent, c'est un complot et non une société ». « Ils ne sont pas amis mais complices ». L'amitié a besoin d'égalité. La Boétie s'étonne de ce que les favoris s'aveuglent alors que leur vie est particulièrement périlleuse. « Sourire à chacun et se méfier de tous » doit aussi être pénible. Pour la Boétie ce sont aussi les favoris que les peuples accusent de leurs maux. Il recourt d'ailleurs à l'expression « mange-peuple » pour les désigner.

Pour achever son Discours, La Boétie a recours à la prière. Il prie un « Dieu bon et libéral pour qu'il réserve là-bas tout exprès, pour les tyrans et leurs complices, quelque peine particulière ».

Comment sortir de cette servitude ?

Pour sortir de cette domination, il faut sortir de l'habitude. L'Homme qui connaît la liberté n'y renonce que contraint et forcé. Mais ceux qui n'ont jamais connu la liberté « servent sans regret et font volontairement ce que leurs pères n'auraient fait que par contrainte. La première raison pour laquelle les hommes servent volontairement, c'est qu'ils naissent serfs et qu'ils sont élevés comme tels. » Comme le précise la Boétie, « on ne regrette jamais ce que l'on n'a jamais eu ».


C'est le principe de la désobéissance civile. Sans le soutien actif du peuple, les tyrans n'auraient aucun pouvoir. La désobéissance passive suffit à briser les chaînes de la domination.


Comment ne pas rentrer dans la servitude ? En gardant l'esprit libre. Un tyran peut-il régner sur un peuple d'Hommes Libres ?


Plus d'informations sur :

Le discours de la servitude volontaire

https://fr.wikipedia.org/wiki/Discours_de_la_servitude_volontaire

Étienne de la Boétie

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne_de_La_Bo%C3%A9tie

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