Rembourser les frais de transport : une obligation, même si le salarié habite loin
Le fait pour un salarié, même en raison de convenances personnelles, d'habiter loin de son travail ne peut servir de prétexte à l'employeur pour s'opposer aux remboursements des frais de transports.
On vous explique cette jurisprudence salutaire.
Depuis la pandémie du Covid-19 et l'essor du travail à distance, un certain nombre de salariés, généralement des cadres, ont quitté les grandes villes pour télétravailler de la campagne. Ce phénomène occasionne une montée des contentieux, notamment lorsque le salarié choisit un lieu de résidence éloigné de son lieu de travail habituel. Faisant œuvre de constance en la matière, la Cour de cassation a réaffirmé en 2020 l'obligation pour l'employeur de rembourser, à hauteur de 50 %, les frais d'abonnement SNCF d'un salarié y compris lorsque le domicile est éloigné de plusieurs centaines de kilomètre du lieu de travail (Cass. soc. 12 nov. 2020, n° 19-14818).
Les juridictions de première instance, tel le tribunal judicaire aujourd'hui, prennent le relais de cette position salutaire (TJ Paris 5 juill. 2022, n° 22-04735).
Litige sur les frais de transport : l'action peut être menée par le CSE et le syndicatLe non-remboursement des frais de transport n'est pas seulement une affaire d'ordre individuel. Au contraire, elle peut concerner tout un collectif.
Les CSE des entreprises ont alors tout intérêt à intervenir et à agir en justice pour réclamer le remboursement partiel des frais de transport des salariés. Il en est de même des syndicats qui peuvent alors se joindre à l'action du CSE comme c'est le cas dans cette affaire menée devant le tribunal judiciaire, opposant CSE et syndicat à l'entreprise Natixis. Le CSE estimait, que le refus de l'employeur de rembourser les frais de transport portait atteinte à ses prérogatives.
Le jugement rendu le 5 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Paris a donné raison au CSE et au syndicat de Natixis qui contestaient le refus de l'employeur de prendre en charge les trajets Paris-province d'une durée supérieure à 4 heures par jour (aller-retour).
CSE et syndicat avaient ainsi posé une question majeure au tribunal : l'employeur pouvait-t-il conditionner ce remboursement à un critère d'éloignement géographique du domicile au lieu de travail ?
Impossible d'imposer un critère d'éloignement géographique
Comme souvent en cas de litige en matière de frais de transport, les juridictions sont amenées à poser la définition de ce qu'est une résidence habituelle. En effet la loi impose aux employeurs la prise en charge partielle des titres de transport des salariés pour les déplacements en transport public entre leur résidence habituelle et le lieu de travail (Art. L. 3261-2 C. trav.)
Dans une affaire datant de 2020, la Société Générale considérait que le domicile du salarié devait s'entendre du lieu où il réside pendant les jours travaillés, estimant devoir participer aux frais de transport uniquement pour les trajets effectués quotidiennement jusqu'au lieu de travail, excluant ainsi les trajets pour rejoindre sa famille le week-end. Le salarié de son côté valorisait le caractère stable et habituel de la résidence familiale. Donnant gain de cause au salarié, les juges avaient alors décidé que le domicile du salarié était celui où il se rend tous les week-ends pour retrouver sa famille, car il s'agit de la résidence où se situe le cadre stable et habituel de ses intérêts (Cass. soc. 12 nov. 2020, n° 19-14818).
Devant le tribunal judiciaire, la question n'était pas tant d'opter pour une définition de la notion de résidence habituelle que de déterminer si l'employeur pouvait en limiter l'étendue. La société Natixis conditionnait le remboursement des frais de transport à un critère d'éloignement géographique qui consistait à ne rembourser que les salariés dont la résidence habituelle était située à 4 heures par jour au maximum de trajet, aller-retour. Cette exigence supplémentaire qui n'est pas prévue par la loi institue de surcroît entre les salaries une différence de traitement subjective et impertinente. L'employeur a donc dû procéder au remboursement des frais d'abonnements souscrits par les salariés (TJ Paris 5 juill. 2022, n° 22-04735).
Conditions légales de prise en charge des frais de transport
Pour bénéficier de la prise en charge des frais de transport par l'employeur, deux conditions sont à remplir (Art. L. 3261-2 C. trav.) :
- utiliser des transports en commun ou un service public de locations de vélos (du type Vélib' à Paris) ;
- acheter des titres d'abonnement (les billets à l'unité ne sont pas remboursés).
Le remboursement par l'employeur des titres d'abonnement s'effectue à hauteur de 50 % de leur coût pour le salarié (Art. R. 3261-1 C. trav.), sur la base du tarif 2e classe. Pour cela, le salarié doit présenter ses titres de transport à l'employeur. Lorsque ses nom et prénom n'y figurent pas, une attestation sur l'honneur rédigée par le salarié suffit.
Pour les titres de transport dont la validité est annuelle, l'employeur procède au remboursement à due proportion tous les mois. Dans les autres cas, le remboursement s'effectue dans les meilleurs délais (au plus tard, à la fin du mois suivant celui de leur utilisation). Dans tous les cas, le montant de la prise en charge des frais de transports doit apparaître sur le bulletin de paie.
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